• Depuis la dérèglementation financière qui a débuté en France au milieu des années 80, notre environnement économique s'est modifié. Je n'affirme pas que nous assistons à une révolution, mais tout simplement à un renouveau, présentant d'ailleurs certaines similitudes avec la fin du XIXème siècle (avis aux économistes). En effet, nous sommes actuellement dans une économie dite de « l'offre », c'est-à-dire que ce sont les entreprises qui « créent le besoin ». Ce concept repose entièrement sur la capacité des entrepreneurs à créer de nouveaux produits et services, sans que cela ne corresponde forcement à une attente particulière de la part des consommateurs.

    Or, avec l'apparition des NTIC (Nouvelle Technologie Internet et des Télécommunications), les entreprises se sont trouvées subitement « connectées » entre elles, entérinant ainsi une compétition accrue. Celle-ci se manifeste dans la recherche de nouveaux débouchés, afin de profiter de ce que l'on appelle communément aujourd'hui le « low cost ». Pourtant, établir une concurrence sur les coûts demeure très risquée, car inéluctablement la marge tend à se réduire. Il faut donc miser sur la différenciation, voire sur la spécialisation dans certains cas. L'idée sous-jacente consiste à avoir une connaissance parfaite de son environnement interne et externe et c'est là que le bât blesse. En effet, toutes les entreprises en France peuvent-elles prétendre disposer de toute l'information disponible ? Pas si sûr, surtout lorsque l'on constate le plus souvent un management fondé sur l'autoritarisme, et moins sur la « performance management » et la recherche de nouveaux talents (pour cela, je vous invite à consulter le résumé d'une étude européenne sur les pratiques managériales, en cliquant sur le lien suivant : http://cep.lse.ac.uk/management/Management_Matters.pdf). Attention ce rapport est en anglais !).

    Pour être de plus en plus compétitif, il faut être capable de drainer les informations vers le haut, afin de restituer aux clients une offre innovante à la hauteur de leurs exigences. Il faut donc investir sur ses salariés et stimuler la créativité en interne. Lorsque l'on a intégré tout cela, on comprend pourquoi on ne parle plus aujourd'hui « d'économie informationnelle » mais « d'économie de la connaissance ». De plus en plus d'entreprises créent des partenariats avec des écoles : France Telecom, par exemple, vient de signer un accord-cadre avec l'ENS pour développer de nouveaux contrats de recherche, dans les domaines de l'informatique et de la cryptographie appliquée au vote électronique. Le savoir a un poids prépondérant mais c'est surtout son exploitation qui devient l'élément majeur. Je m'explique : dans un monde interconnecté et mondialisé, le savoir peut être copié et exploité rapidement (cas de la Chine). Il s'agit donc au niveau de l'entreprise de maximiser le temps de passage de l'idée à sa réalisation ; ce qui signifie plus de souplesse.

    Afin d'atteindre cet optimum, Jonas Ridderstrale et Kjell Nordstrom, auteurs du célèbre livre « Funky Business », définissent l'entreprise type selon 5 traits caractéristiques :

    1) Plus petite (« Small is beautiful ») : réduire la taille d'une structure permet d'accroître la marge de manœuvre et de mieux stimuler les équipes. A ce titre, Bill GATES a affirmé : « A partir du moment où les employés commencent à ne plus se connaître entre eux et qu'il règne une atmosphère impersonnelle, il est temps d'opérer à un morcellement ».
    2) Plus plate : il s'agit ici de réduire les niveaux hiérarchiques pour accélérer la remontée des informations.
    3) Horizontale : l'organisation de l'entreprise doit partir des fournisseurs jusqu'aux clients, afin de prendre en compte les réalités du marché.
    4) Ouverte : c'est le travail en réseau à travers notamment des « joint venture » ou autres alliances.
    5) Mesurée : le système d'informations favorise le contrôle indirect.


    Face à cette accélération du temps et à l'accroissement de l'espace (mondialisation), le contrôleur de gestion doit faire évoluer en permanence ses outils de gestion, afin de les adapter à son environnement économique. L'horizon est souvent très court : par exemple, la durée de vie moyenne d'un portable en rayon est de six mois ! Le tableau de bord prospectif ou la gestion « sans budget », que j'ai déjà développés dans d'autres posts, ont au moins le mérite s'ils sont bien utilisés de créer des ruptures dans l'organisation, en déclinant des objectifs à tous niveaux et en facilitant leur suivi. Il n'y a cependant pas d'outils miracles, leur force dépend avant tout de leur utilisation et de leur adéquation avec l'univers économique de l'entreprise.


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  • Le budget commence aujourd'hui de plus en plus à faire l'objet de critiques, tout aussi différentes les unes des autres. Nous allons mettre en exergue cette nouvelle tendance qui se dessine en terme de gestion. Tout d'abord, quels sont les problèmes rencontrés ?

    1.  Le passé comme base de référence : les responsables budgétaires utilisent le passé pour effectuer leurs prévisions. On constate qu'il y a une reproduction tacite du passé et une absence d'actions fortes, telles que des restructurations de services, des externalisations....

    2. Un budget souvent contourné : rappelons tout d'abord que l'objectif principal d'un budget vise à obtenir des indicateurs financiers de prévision et à responsabiliser les managers des centres de responsabilité. Or, les responsables sont souvent « armés » face à ces évaluations successives, qui leur imposent d'améliorer constamment les résultats.

    3. La faiblesse du contrôle de gestion : les contrôleurs de gestion sont en général pris entre les budgets et la justification des écarts et consacrent moins de temps dans les travaux d'analyse et d'interprétation. La principale critique est qu'il manque, dans les processus budgétaires, une orientation stratégique.

    4. Une élaboration budgétaire coûteuse : des moyens humains importants sont mobilisés pour la période budgétaire. On obtient souvent des résultats proches de ceux que l'on aurait pu trouver avec une extrapolation des tendances passées. Ces coûts d'élaboration ou de recherche d'informations pourraient être au moins en partie transférés vers d'autres tâches, parfois plus productives pour l'organisation concernée.

    5. Des actifs incorporels mal identifiés : les éléments qualitatifs dont on parlait précédemment sont parfois négligés dans les budgets, même s'il existe des arbres de performance. Il faudrait intégrer les éléments non monétaires des arbres de performance dans les budgets, tels que la qualité de service ou la satisfaction de la clientèle, pour en évaluer leur impact financier.

    Face à ces critiques, le rôle du budget tend progressivement à se modifier. De nouvelles formes d'organisations, en terme de gestion, font depuis 5 ans leur apparition dans certaines entreprises, telles que Rhodia, SSF... et qui ont pour finalité la gestion sans budget. Même s'il n'y a pas eu à ce jour de rapports sur l'efficacité de cette méthode, décrivons brièvement ce nouveau concept, à partir du schéma ci-dessus :

    • La première phase consiste à élaborer un plan stratégique sur le long terme (5 ans), initialisée par la direction générale du groupe. Ces objectifs sont quantifiés en termes monétaires, puis déclinés en missions, qui vont mettre en avant des valeurs et des visions stratégiques communes au groupe. Les responsables des directions régionales vont définir des KVD (Key Value Drivers), allant de pair avec les orientations du groupe. Ils doivent échanger avec le personnel sur le terrain pour comprendre quelles sont les problématiques. Ces KVD correspondent à des leviers qui vont agir sur les segments créateurs de valeur, dans l'optique de maintenir sa position concurrentielle. Ils ne représentent pas l'ensemble des variables dans leur globalité, mais les 20% qui pèsent 80% conformément à la loi de Pareto. Ensuite, les décideurs mettent en place des actions stratégiques (AS) qui se caractérisent par un certain nombre d'objectifs, faisant l'objet d'une évaluation financière pour mesurer leur part en terme de création de valeur. Pour calculer cette dernière, il faut tenir compte des résultats acquis au niveau des ventes, du résultat d'exploitation, du cash... Leurs impacts sont synthétisés dans un business plan afin d'identifier son incidence dans les objectifs à atteindre.

    • Une deuxième étape concerne la phase de plans d'actions qui vise à fixer des objectifs cohérents avec ceux de long terme. Elle sert de lien entre les impératifs de long terme, les KVD, les AS et les actions de court terme. Les entreprises ont créé une présentation matricielle pour faciliter le suivi des AS, selon leur degré d'impact dans les segments créateurs de valeur. Cela permet pour les opérationnels de gérer leurs priorités et de faciliter leurs prises de décision. Pour les actions les plus contributives, ils devront justifier leurs moyens et leurs indicateurs pour aboutir au résultat escompté. L'évaluation des plans d'actions va se faire tous les trimestres et leurs conséquences vont être estimées pour les quatre prochains trimestres. Si des écarts significatifs apparaissent, il est possible de faire des plans d'actions correctifs. Cela permet d'actualiser trimestriellement les prévisions et l'on remarque que cette méthode est tournée essentiellement sur le futur.

    • La dernière phase est celle de la prévision qui sert à anticiper les évolutions internes et externes à la société. Le siège transmet ses hypothèses de croissance, telles que le coût des matières premières, l'inflation, les conséquences de la sécheresse... qui vont permettre de réactualiser les plans d'actions des responsables, selon leur degré de pertinence. Cela affine d'autant plus les prévisions que le groupe enverra un signal fort aux actionnaires, en terme de fiabilité.

    Ce nouveau mode de gestion, même s'il reste encore au stade de l'expérimentation, est lié aux nouvelles évolutions économiques, c'est-à-dire à l'économie de la connaissance. L'objectif est de concentrer ses ressources sur ses points forts, tout en tenant compte des besoins du marché. Il s'agit aussi d'orienter les ressources humaines autour d'un projet commun qui vise l'accroissement des parts de marché.

    NB : Je vous invite à consulter les publications de Nicolas BERLAND (http://www.crefige.dauphine.fr/labo/cv/berland.htm), professeur à l'IAE de Poitiers, que je considère comme un avant-gardiste du contrôle de gestion.


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  • La dernière décennie du XXème siècle, période de prospérité notamment aux Etats-Unis, était marquée par les technologies de l'information et de la communication (TIC). L'euphorie exubérante des investisseurs, ayant atteint son paroxysme, se trouva rapidement confrontée à des désillusions, ainsi que nombre de scandales financiers. Ce fut la fin de l' « e-économie » qui laissa progressivement la place à « l'économie de la connaissance ». Cette dernière, considère le savoir, non plus comme un facteur de production, mais comme une source d'innovations. La compétitivité par les coûts ne suffit donc plus; d'autres variables doivent maintenant être prises en compte (stratégie de différenciation, qualité...).

    Pour cela, face à ces changements macroéconomiques, une nouvelle littérature apparut pour tenter de concilier les systèmes de mesure existants avec des orientations stratégiques. Je souhaiterais donc parler aujourd'hui d'un outil performant qui fut la genèse des nouveaux développements théoriques en terme de gestion : le tableau de bord prospectif ou « balanced scorecard ». L'objectif est d'orienter les ressources vers des compétences-clés de l'entreprise ; les indicateurs non financiers devenant de plus en plus prépondérants. En effet, les investisseurs veulent connaître la performance opérationnelle de l'entreprise, en sus des indicateurs financiers « classiques ».

    KAPLAN et NORTON proposèrent les premiers ce nouvel outil qui se décompose en quatre parties.

    Tout d'abord, l'axe financier qui a pour objectif l'obtention de rendements élevés fondés sur le capital investi (ex : ROI ou rentabilité des capitaux investis). Le deuxième axe concerne les clients et donc les moyens de les satisfaire au mieux. Le troisième s'intéresse aux processus de production à mettre en œuvre, pour atteindre les objectifs fixés dans les deux axes précédents. Enfin, le dernier se focalise sur les infrastructures, les moyens humains et les systèmes d'information à améliorer pour obtenir une croissance financière de long terme. Le tout est lié par une relation de causes à effets permettant ainsi de relier objectifs, indicateurs (financiers et non financiers), valeurs cibles et initiatives.

    Le budget peut être aligné sur le tableau de bord prospectif et son rôle ne serait dans l'idéal, que le moyen de suivre les étapes du parcours stratégique que s'est fixé l'entreprise. Cet outil, mais aussi les concepts (budgétaires par exemple) qui se dégagent, ont entraîné des innovations organisationnelles qui sont encore au stade de l'expérimentation. Néanmoins, il me paraît fondamental d'aborder en premier le tableau de bord prospectif, dont son efficacité a déjà été prouvée maintes fois, car il permet de cerner rapidement les problématiques mais aussi l'environnement de l'entreprise. Or, la connaissance des variables externes, ayant une influence sur l'activité, procure un avantage concurrentiel considérable.

    Je vous invite donc à lire ce livre « Le tableau de bord prospectif » de KAPLAN et NORTON, Editions d'organisation.


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